Dans cette affaire, un homme avait été blessé dans un accident de la circulation qui lui aurait causé, selon ses dires, d’importantes douleurs au bras gauche. Il avait de ce chef introduit deux actions en réparation contre les conducteurs de véhicules et leurs compagnies d’assurance.
L’assurance RC de cet homme a alors mandaté une agence de détectives privés afin de constater les dommages invoqués. Les activités de l’intéressé ont ainsi été photographiées et filmées dans des lieux publics, pendant plusieurs jours.
Sur la foi du rapport d’enquête, l’assureur a pu conclure que le plaignant pouvait sans difficulté porter des charges, nettoyer sa voiture et faire ses courses.
Ses actions en responsabilité civile rejetées, l’assuré a déposé plainte pour atteinte à sa personnalité et s’est, en dernier ressort, tourné vers la Cour européenne des droits de l’homme.
Invoquant l’article 8 de la CESDH, le requérant se plaignait d’une violation de son droit à la vie privée découlant de la surveillance par des enquêteurs privés, mandatés par une assurance privée, dont il a fait l’objet pendant plusieurs jours.
Des surveillance dans le but de préserver les intérêts de l’assureur.
Dans sa décision n°17331/11 du 17 janvier 2019, la CEDH rejette la requête de l’assuré. Pour ce faire, elle constate que la surveillance a été effectuée uniquement pour préserver les intérêts de l’assureur et qu’elle a été menée dans des lieux accessibles au public – ce qui l’amène à conclure qu’une atteinte à la vie privée illicite ne peut pas être reconnue en l’espèce.
En France, rappelons qu’en matière d’assurance « la preuve du sinistre est libre » (arrêt Cass. Civ. 2ème du 10 mars 2004, n°03-10.154) et que la jurisprudence autorise la preuve par filature diligentée par un enquêteur privé (arrêt Cass. Civ. 1ère du 5 février 2014, n°12-20.206).
Le principe de proportionnalité
Toutefois, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se livrer à un véritable contrôle de proportionnalité entre le but recherché (protéger la collectivité des assurés en prévenant une fraude) et l’immixtion dans la vie privée du fraudeur potentiel. C’est ainsi que, par exemple, la Cour a d’ores et déjà jugé que les surveillances d’un assuré ne peuvent pas être excessivement longues ou réalisées à l’intérieur de son domicile (arrêt Cass. Civ 1ère du 22 septembre 2016, n°15-24.015).
L’enquêteur de droit privé au service des assurances
Auteur : Geoffrey Pages-Galdiolo © 2019